Histoire de La Tour Saint Joseph
À travers les routes nationales qui, de Rennes, mènent vers Saint-Malo et Saint-Brieuc, blotti depuis quinze siècles au pied des hauteurs boisées de Bécherel, Saint-Pern a une longue histoire.
S'il faut croire la tradition, le pays doit son nom au célèbre évêque de Vannes, Saint Patern, qui y aurait fait bâtir sa première église, au milieu du VIe siècle.
Cinq cents ans plus tard, aux environs de 1050, Saint-Pern acquit une certaine renommée locale grâce à la générosité d'un riche propriétaire terrien : Quimarhoc, Seigneur de Plouasne, qui selon toute vraisemblance avait sa demeure à l'endroit de l'actuelle propriété de La Tour où l'on voyait encore, jusqu'en 1961, un pan de mur très ancien.
Avec une libéralité, fréquente à cette époque, Quimarhoc informa les Bénédictins de l'Abbaye Saint-
Nicolas d'Angers qu'il mettait à leur disposition l'église de Saint-Pern et une terre de la contenance de "deux charruées et demie", soit 45 hectares. Il confiait aux moines le soin d'assurer le service de l'église, de secourir les pauvres, de soigner les malades et d'instruire les enfants. L'offre fut acceptée. Le prieuré de Saint-Pern était Quelque temps après cette donation, l’Abbé de Saint-Nicolas d’ Angers, Arraud, vint en Bretagne. Il passa les fêtes de Noël à Saint-Pern. Ce fut un événement pour le pays. De tous les hameaux, des maisons nobles ou roturières, on accourut en foule à l'église monastique. Le troisième jour, Arraud reçut le donateur au prieuré. A cette occasion, Quimarhoc voulut ajouter encore à sa donation et y joignit le moulin de Saint-Pern et la moitié du produit de ses propres pêcheries sur les étangs de La Tour.
Combien de temps les Bénédictins restèrent-ils en ce lieu ? On ne le sait. L'histoire a seulement conservé un acte de Saint Jean de la Grille, évêque de Saint-Malo, par lequel, en l'an 1149, il confirme les moines dans la possession du prieuré et érige l'église en paroisse. En vertu de la tradition, les paroissiens de Saint-Pern ont conservé l'habitude de donner le titre de "Prieur" à leur pasteur. De nos jours, Saint-Pern n'est plus l'unique paroisse dont le Prieur est chargé ; s'y ajoutent trois autres clochers : Bécherel, Longaulnay et Miniac-sous-Bécherel, dont l'ensemble a été nommé "Saint Joseph de La Tour".
Sortie un instant de l'ombre, la maison de Saint-Pern y retombe ensuite jusqu'au XIIIe siècle. Les Seigneuries de Saint-Pern comprenaient alors le château de la Vieille Tour, celui de La Tour et le fief de Saint-Pern qui relevait directement du Roi.
Au XIVe siècle, la maison de Saint-Pern a laissé d'illustres noms. Au premier plan Bertrand Ier, parrain de Bertrand Du Guesclin avec lequel il fut envoyé en ambassade en Angleterre en 1351, puis Bertrand II, filleul du Connétable, enfin Gautier, évêque de Vannes, chancelier de Bretagne. C'est à cette époque que les Seigneurs de Saint-Pern s'installèrent dans le manoir de Ligouyer, revenu dans leur famille par une alliance, dans le premier tiers du XIVe siècle et bientôt se dessaisirent de la Vieille Tour et de La Tour.
Alors commence pour les deux seigneuries délaissées une période mouvementée qui s'étend sur trois siècles. Achetées, revendues, échangées, elles deviennent parfois l'objet de litiges inextricables qui s'étendent sur plusieurs générations.
Enfin, en 1679, elles reviennent en totalité à la maison de Saint-Pern et pendant cent ans connaissent une prospérité sans histoire. Mais cette prospérité ne devait pas survivre à la tourmente révolutionnaire. A nouveau, la maison de Saint-Pern voit son patrimoine lui échapper. Cette fois l'ère des grandeurs semble close pour toujours. Et pourtant...
Le 1er avril 1856, peu avant midi, les occupants d'un char à bancs qui descendait la route de Bécherel à Saint-Pern au petit trot d'une grande jument percheronne, aperçurent avec émotion les toits d'ardoise du manoir de La Tour se profilant en contrebas. Dans l'équipage sans grandeur se trouvait la supérieure générale dont la congrégation venait, après quinze ans d'existence, d'être reconnue par l'autorité ecclésiastique. Avec l'arrivée de nombreuses postulantes, la maison de personnes âgées de Rennes devenait trop petite, il fallut donc trouver une demeure plus vaste, où seraient établis uniquement la maison-mère et le noviciat.
Le 30 janvier de cette année 1856, le contrat d'acquisition du domaine de La Tour avait été signé. Ce 1er avril, jour de la fête transférée de Saint Joseph, la Mère générale venait s'y installer. Elle était accompagnée par un auxiliaire précieux, l'abbé Ernest Lelièvre. Récemment affilié à la congrégation naissante, il avait mis à son service son intelligence remarquable, son âme ardente, son zèle débordant... et son riche patrimoine de fils d'industriel du Nord.
Le char à bancs, traversant le bourg de Saint-Pern, s'engagea dans un "bas-chemin" et Baptiste, le cocher, arrêta son attelage devant le portail de La Tour... La veille, trois Petites Sœurs avaient été envoyées en estafettes.
"Nous trouvâmes en arrivant le couvert mis. Le repas fait, on s'occupa de dresser la chapelle : une pièce de deux mètres carrés. En l'honneur de Saint Joseph on récita quelques prières. On lui offrit cette Tour qui devait être sa demeure... Il faisait un temps superbe. Tout était beau dans les vallons, sur les collines, sous les hêtres et les chênes des avenues, au bord de l'étang, parmi les vieux jardins aux hautes charmilles et aux grands ifs..." Et le narrateur, l'abbé Lelièvre lui-même, poursuit : "La nouvelle situation est excellente : Dieu a montré avec insistance qu'elle nous convenait. Le marché s'est donc fait. Par quels moyens ? Je ne sais pas. Quelle est la base de nos opérations ? La parole de Notre Seigneur à ceux qui cherchent le royaume de Dieu et sa justice : "Être dépouillé de tout, s'abandonner sans réserve, ne tenir à rien... Ce système laisse l'âme dans une paix entière, au sein d'une constante manifestation de la bonté divine laquelle ne trompe jamais notre attente et la dépasse souvent..."
L'abbé Paul Gontard, autre auxiliaire des Petites Sœurs, vendit pour cela une de ses propriétés, et l'abbé Lelièvre paya le reste.
Les premiers aménagements faits, vingt novices arrivèrent à la fin d'avril, le groupe des postulantes en juin. Sœur Marie de la Croix dut se joindre à l'un de ces groupes.
Mais le flot des postulantes grossissait toujours. Le manoir primitif ne suffisait plus, on commença par lui adjoindre une, puis deux ailes, en attendant d'envisager une construction plus vaste destinée à abriter jusqu'à six cents novices et postulantes. Précisons qu'à cette époque la congrégation n'avait aucun noviciat hors de La Tour. Il faudra attendre le commencement du XXe siècle pour l'établissement de plusieurs autres, en divers pays d'Europe et au-delà. A partir de cette date, La Tour s'appellera "La Tour St-Joseph". Le vieux manoir de Saint-Pern était devenu une Maison de Dieu.
Maison-mère des Petites Sœurs des Pauvres
Pour ces constructions, l'abbé Lelièvre puisa à nouveau dans sa bourse, les novices jetèrent à bas une partie des dépendances et déblayèrent le terrain. En deux mois un nouveau bâtiment s'éleva. Plus tard, une seconde aile rétablira la symétrie. Simple, régulière, accueillante, la maison-mère est bien la gardienne des traditions, le foyer où se scelle une unité aux dimensions du monde. A vrai dire, le manoir de La Tour n'a rien conservé de son luxe passé, sauf ses murs épais dépouillés de leurs quelques moulures, son petit jardin à la française, le portail toujours ouvert entre les deux courbes d'un mur bas sur lequel fleurissent des roses.
Tout ce qui gardait une apparence de richesse a disparu du "vieux château". Tout... jusqu'à ses balcons de fer forgé, à peine ouvragés pourtant, qu'un grand désir de pauvreté avait fait desceller et reléguer dans un grenier. Découverts là, bien des années après, ils se réfléchissent désormais dans l'eau tranquille de l'étang... Point de salons de réception et de parloirs imposants dans cette maison. Les murs sont blanchis, les portes uniformément grises, le dallage de granit brut.
Le 25 juillet 1856, Mgr Brossais Saint-Marc, évêque de Rennes, venait bénir La Tour et présider la profession religieuse de vingt-trois novices. "La chapelle étant bien trop petite pour contenir toutes les personnes attendues, l'autel fut dressé dans un grand bois de sapins, faisant face au château, sous une large tente de toile..." (Mgr Baunard, p. 93).
Arrivée à La Tour fin avril ou début juin avec le noviciat, Jeanne Jugan - Sœur Marie de la Croix - allait y vivre les vingt-trois dernières années de sa vie, proche des postulantes et des novices, mais sans fonction vraiment déterminée. "Désormais sa mission n'était-elle pas d'éveiller toutes ces jeunes à leur vocation, en leur révélant par sa présence et sa vie le charisme propre des Petites Sœurs ? (...) Les vraies fondations sont toujours cachées. Elles reposent dans les profondeurs du sol (...). Jeanne assurera ainsi l'avenir spirituel de la Congrégation", écrit le Père Eloi Leclerc dans son beau livre "Le Désert et la Rose" (p. 54).
Mais l'ancien manoir était vraiment exigu pour ces jeunes qui arrivaient, si nombreuses. Début 1857, la construction du futur noviciat prenait son départ. Le 19 mars, Mgr Maupoint, ami de longue date, tout juste consacré évêque de La Réunion, venait en bénir la "première pierre".
En accord avec
M. Mellet, architecte de Rennes, il fut décidé de bâtir le noviciat sur l'emplacement occupé par le bois de sapins. "Les Petites Sœurs secondèrent les ouvriers et bientôt les arbres furent abattus, les racines extraites, les branches et les troncs enlevés. A certaines heures c'était la ruche ouvrière, et de bûcheron on devenait terrassier. On ouvrit des carrières de granit, de moellon et de sable" (A. Leroy, p. 131). "Depuis les premiers aménagements nécessaires jusqu'à la reconstruction du logis principal en passant par l'édification de l'immense bâtiment destiné à abriter jusqu'à six cents novices et postulantes, il y eut pour plus de vingt ans de travaux. Chaque matin, on verra, sur les routes de la région, des groupes d'ouvriers se diriger des localités voisines vers le vaste chantier" (P. Milcent, p. 180). Le conseil donné par Sœur Marie de la Croix à une novice date de ce temps : "Voyez-vous, lui dit-elle, ces ouvriers qui taillent de la pierre blanche pour la chapelle, et comment ils la font jolie cette pierre : il faut vous laisser tailler ainsi par Notre Seigneur."
"En même temps on mettait en culture la vaste propriété. Deux petits étangs furent écoulés et firent place à une verdoyante vallée. Vers l'époque où l'on avait quitté Rennes, Julien et Jean Liéron, frères de deux Petites Sœurs, étaient venus de leur village avec leur bien et leur attelage, pour se dévouer au service de la Famille hospitalière, poursuit le Père Leroy, premier historien de la Congrégation (pp. 131-132). Ils mirent en valeur l'exploitation des terres et l'on dut à leur industrie les belles cultures des champs et des prairies. Les Petites Sœurs, novices et postulantes, prirent part à ces travaux dans la mesure de leurs forces."
Le 3 juin 1857, La Tour recevait la visite de Mme Sarah Peter, Américaine de Cincinnati, qui s'intéressait aux Petites Sœurs et voulait connaître leur maison-mère. Déjà elle souhaitait leur venue aux États-Unis. On la conduisit, raconte-t-elle, en "voiture bretonne", de Rennes à La Tour où elle rencontra Jeanne Jugan, "la modeste servante bretonne qui commença l'Ordre... Avoir rencontré Jeanne et apprécié sa modestie, sa profonde valeur, cela vaut bien le voyage" (cf. P. Milcent, p. 182).
Un an après cette visite, le noviciat venait habiter la première partie de l'édifice nouveau. Une chapelle provisoire y est installée avant que ne soit construite la chapelle actuelle, due en grande partie à la générosité de M. et Mme Féburier. Venus à plusieurs reprises à La Tour St Joseph, ces amis de la Congrégation "aimaient ce noviciat où des jeunes filles de tant de nations venaient se former à la vie religieuse et faire l'apprentissage de la vie hospitalière" écrit le Père Leroy. Constatant combien les Petites Sœurs étaient à l'étroit dans la chapelle provisoire, ils décidèrent de contribuer à l'érection de la chapelle définitive. Comme pour le grand bâtiment du noviciat, l'architecte en fut M. Mellet.
Mgr Brossais Saint-Marc, Archevêque de Rennes, en bénit la première pierre le 20 octobre 1861 ; le 5 septembre 1869, il vint la consacrer.
Entre temps, la Congrégation s'était engagée dans la voie d'une pauvreté radicale, en décidant de ne "posséder aucune rente, aucun revenu fixe à titre perpétuel, de refuser tout legs ou don consistant en rentes ou grevé de fondations de lits ou de messes et même de toute autre obligation qui demanderait la perpétuité". Le Conseil général s'assembla pour en délibérer. "C'est à cette réunion que, chose inouïe, on convoqua Sœur Marie de la Croix. Surprise, elle semble d'abord s'être excusée... Mais on insista. Elle donna alors son avis fermement. Il faut, dit-elle, continuer à n'accepter aucun revenu fixe, à dépendre de la charité. Finalement, c'est cette orientation qui prévalut" (cf. P. Milcent, p. 190).
La lettre rédigée par le Conseil général, en ce 19 juin 1865, à l'adresse du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Cultes, pour lui notifier cette décision, porte d'ailleurs la signature de Sœur Marie de la Croix. C'est dire l'importance et la valeur de ce document ! Le Gouvernement français donna son accord le 31 janvier 1866.
La Congrégation continuait à s'étendre, grâce surtout au Père Lelièvre qui, depuis son ordination sacerdotale, en juin 1855, se dépensait sans compter à cette tâche épuisante. L'année 1868 le verra en Irlande, en Algérie, aux États-Unis pour y fonder les premières maisons. Ainsi, c'est de La Tour, le 28 août, que se
pt Petites Sœurs partaient pour Brest où elles embarquèrent trois jours plus tard sur le "Napoléon III" en direction de New York. Elles partageaient la traversée avec 325 passagers "qui avaient eu peine à y trouver place, mais où les Petites Sœurs furent très entourées. On donna même un concert de charité pour leur œuvre", écrit le Père Lelièvre qui les accueillait à New York le 13 septembre.
A La Tour, le 31 octobre de cette même année 1868, fut installée au sommet du clocher la statue de Saint Joseph, gardien et protecteur de cette maison. En bois recouvert de plomb, la statue mesure 4,10 mètres de haut ; elle est faite de 5 tronçons reliés entre eux par une poutre de fer. Près de soixante-dix ans plus tard, elle fut descendue pour une nécessaire réparation à Paris, et replacée au sommet du clocher en 1936. En 2007, la statue de St Joseph a été redescendue pour restaurer le clocher. Le 19 mars de l'année suivante elle a repris sa place.
Des États-Unis où il poursuit sa mission, le Père Lelièvre est dans la plus grande inquiétude dès qu'il apprend la guerre franco-allemande de 1870. "Que deviennent nos maisons de Metz et de Strasbourg ? J'ai passé toute la journée d'hier à parler de la France et à prier pour elle... Il n'y a plus à compter que sur la toute-puissance de Dieu. Mettons tout là. Abandonnons-lui tout. Livrons-lui les Petites Sœurs. Que lui-même se charge de faire sentinelle autour de ceux qu'il veut garder". "Les lettres, trop rares, reçues de La Tour lui montraient la maison-mère éperdue, les novices dispersées, les travaux suspendus ; à peine quelques postulantes errant dans le désert de cette vaste demeure ; les dortoirs préparés pour recevoir les blessés, dix Petites Sœurs postées toutes les nuits devant le Très Saint-Sacrement. Elles cherchent au Ciel des alliés que la terre nous refuse..." (Baunard, p. 257).
A La Tour, ces événements douloureux trouvaient un écho dans le cœur de Sœur Marie de la Croix, qui allait à Dieu avec toute la détresse du monde. "Elle nous enseignait, rapporte une Petite Sœur, novice à cette époque, comment nos prières devaient être universelles, surtout pendant la guerre".
Le 26 octobre 1873, s'éteignait à Paris M. Adolphe Charles Féburier, bienfaiteur insigne de La Tour. Son corps fut transporté à la crypte de la chapelle le 29 avril suivant, et déposé dans l'un des deux tombeaux qu'il avait fait ériger pour lui-même et son épouse. Mais, seul M. Féburier y reposera. Entrée au noviciat le jour même de la déposition du corps de son mari, Mme Féburier, devenue Petite Sœur sous le nom de Sœur St Joseph des Sacrés-Cœurs, avait désiré être inhumée dans le petit cimetière de La Tour. Elle mourut le 18 avril 1897, âgée de 81 ans. "Voilà une personne qui se donne au bon Dieu, disait d'elle Sœur Marie de la Croix. Elle était une grande dame, et elle se fait Petite Sœur des Pauvres !"
Sœur Marie de la Croix quant à elle, devenue presque aveugle, ne pouvait plus lire ni travailler, mais son chapelet ne la quittait pas. "Quand vous serez vieilles, vous ne verrez plus rien. Moi, je ne vois plus que le bon Dieu", disait-elle aux novices. L'une de ses dernières joies fut de savoir les Constitutions de la Congrégation approuvées pour sept ans par le Pape Léon XIII. C'était le 1er mars 1879.
Le 29 août suivant, Sœur Marie de la Croix eut un malaise après avoir assisté à la messe. "On l'étendit sur un lit. Elle reprit connaissance et on lui donna le sacrement des malades. Elle put prier à mi-voix :"Ô Marie, vous savez que vous êtes ma Mère, ne m'abandonnez pas ! Père éternel, ouvrez vos portes, aujourd'hui, à la plus misérable de vos petites filles, mais qui a si grande envie de vous voir !"... Et d'une voix plus faible : "O Marie ma bonne Mère, venez à moi. Vous savez que je vous aime et que j'ai bien envie de vous voir !" Puis elle s'éteignit doucement... Sur son lit de mort, elle avait quelque chose de si calme, de si reposé, qu'on ne se lassait pas de la regarder." (Milcent, p. 228).
Jeanne Jugan avait accompli sa mission. La Congrégation comptait alors 2 400 Petites Sœurs et 177 maisons où étaient accueillies 20 500 personnes âgées pauvres. Le 9 juillet 1886, les Constitutions de la Congrégation étaient définitivement approuvées.
Dix ans après la mort de la Fondatrice, un autre décès allait endeuiller La Tour St Joseph. Épuisé par ses travaux incessants au service de la Congrégation - on lui doit la fondation d'environ 200 maisons - le Père Ernest Lelièvre mourait le mercredi 3 juillet 1889, à la maison-mère. Apprenant ce décès, Mgr Mermillod, évêque de Lausanne et de Genève, ami du Père, écrivait à son frère Gustave : "Sa vie et sa mort sont un trésor de grâces pour votre famille, pour l'Église et pour les Petites Sœurs des Pauvres".
Durant la guerre 1914-1918, des ambulances avaient été établies en plusieurs maisons de France ; celle de La Tour, la plus importante, désignée sous le nom d'Hôpital complémentaire N° 43, reçut les premiers blessés les 10 et 11 septembre 1914. "Bientôt, sur la demande du service de santé, l'ambulance prit des développements considérables. On réserva des salles spéciales pour les opérations, les pansements, la pharmacie. Quatre médecins majors, deux pharmaciens, un personnel d'administration et d'infirmiers portèrent à environ 500 le nombre de lits occupés. L'armée fournit un peu de matériel, mais la partie la plus importante du mobilier nécessaire resta à la charge des maisons de la Congrégation et des bienfaiteurs ; les Petites Sœurs, de leur côté, donnèrent lits, couvertures et oreillers. Un certain nombre d'entre elles restèrent jour et nuit au service des blessés (...). Pendant un certain temps, des soldats belges soignés par leurs propres majors occupèrent une partie de l'ambulance ; la communauté mit à leur service des Petites Sœurs parlant le flamand.
"Le total général des blessés ayant séjourné à La Tour s'élève à 7 984, dont 1 017 belges, ce qui représente 378 933 journées de présence. Cinquante-trois soldats y sont décédés." (cf. Congrégation des Petites Sœurs des Pauvres, Letouzey et Ané, Paris 1925, p. 149 et sv.). Inhumés d'abord dans le cimetière de St-Pern, les soldats français ont été transférés, le 2 août 1983, à la Nécropole de Ste Anne d'Auray. Les restes des soldats belges furent transférés un an plus tard.
Le 5 mars 1936 eut lieu l'exhumation des restes de Sœur Marie de la Croix du cimetière de La Tour, restes qui seront déposés 11 jours plus tard à la crypte de la chapelle dans le tombeau réservé par M. Féburier à son épouse. Déplacé sous une autre arcade de la crypte, ce tombeau est depuis lors un vrai lieu de pèlerinage, pour les Petites Sœurs tout d'abord mais aussi pour bien d'autres personnes venues de France et d'ailleurs. Un livre d'or est à la disposition des visiteurs qui veulent confier leurs intentions à Jeanne Jugan. Photos, lettres, pétitions diverses sont aussi déposées sur ce tombeau, directement par ceux qui se confient à elle ou reçues par courrier à la maison-mère.
L'année 1939 fut celle du centenaire de la fondation à Saint-Servan. Les fêtes jubilaires des 4, 5 et 6 juillet furent présidées à La Tour par le Cardinal Suhard, alors Archevêque de Reims, entouré de dix-huit autres Archevêques et Évêques - dont ceux de Madras (Inde) et d'Alger -, deux Abbés de monastères voisins, plusieurs Supérieurs et Vicaires généraux et de nombreux prêtres ! Les Supérieures générales de Congrégations religieuses voisines avaient aussi tenu à partager l'action de grâce des Petites Sœurs, avec de nombreux amis et bienfaiteurs, des familles, ainsi que des autorités civiles. Ce furent à La Tour trois jours de grâces et de joie auxquels fut consacré un numéro spécial du Bulletin de la Congrégation (n° 24). On peut y relire le récit de cette célébration et les diverses allocutions et homélies des trois journées.
L'Archevêque de Rennes, Mgr René Mignen, qui s'était fortement impliqué dans ce centenaire, mourait quatre mois plus tard, le jour de la Toussaint. On a pu écrire que "ces fêtes, si belles, furent sa dernière joie. Joie aussi que l'introduction de la Cause de béatification de Sœur Marie de la Croix à laquelle le nom de Mgr Mignen restera attaché. Son zèle pour la glorification de Jeanne Jugan lui inspirait des accents vibrants d'admiration..." (Bulletin des PSDP, n° 25).
Mais la France était déjà en guerre... Le 2 septembre 1939, La Tour s'était ouverte à 150 personnes âgées de notre maison de la Rue St-Jacques, à Paris. Mitoyenne de l'Hôpital militaire du Val-de-Grâce, elle venait d'être réquisitionnée par l'autorité militaire pour faits de guerre. Quelques jours plus tard, le même sort était réservé à la maison de Dinan. "Les vieillards de Paris St Jacques et de Dinan font ensemble une belle famille de 114 hommes et de 143 femmes", est-il écrit dans les Archives du temps. Autre précision : à la date du 30 mai 1940, "la présence des personnes âgées réfugiées et de divers bienfaiteurs et membres de familles de Petites Sœurs, du Nord et de Belgique, porte l'effectif de La Tour à plus de 950 personnes !"
Une nouvelle épreuve va bientôt s'ajouter à celles, déjà nombreuses, qu'apportent à la Congrégation les années de guerre, avec leur lot de souffrances pour trop de maisons anéanties, de Petites Sœurs et de personnes âgées victimes de bombardements.
"En zone occupée, les Allemands internent les sujets britanniques. Un des premiers jours de décembre 1940, écrit Ombline de La Villéon dans son "Histoire de la Congrégation" (p. 261), ils se présentent à 6 heures du matin à La Tour St-Joseph et réclament les 70 Petites Sœurs, professes, novices et postulantes, de nationalité britannique et américaine. Le 9 décembre au matin, après trois jours de séquestration dans un bâtiment de La Tour autour duquel les sentinelles, baïonnette au canon, font la garde jour et nuit, on fait monter les prisonnières dans des fourgons. "Où les emmenez-vous ?" demande la Supérieure générale, Mère André de St Raphaël. L'officier lui répond d'un ton tranchant : "Destination inconnue, temps illimité", et les voitures s'ébranlent." Plusieurs semaines passeront avant de savoir que les prisonnières sont à Besançon. Elles ne reviendront que 4 ans plus tard.
Le 22 octobre 1944, deux jours après leur libération, elles arrivent à La Tour St Joseph. Quelle joie et quelle émotion de les retrouver ! D'abord internées dans une vieille caserne de Besançon où elles avaient beaucoup souffert de l'humidité, de l'entassement et du manque total d'hygiène, elles furent ensuite transférées à Vittel, avec les autres religieuses internées comme elles. Là, dans des conditions matérielles meilleures, la vie religieuse put s'organiser, sous la conduite de Sœur Gonzague de Marie, Petite Sœur des Pauvres, à qui fut confiée la responsabilité des 200 religieuses du camp.
Le 13 avril 1945, le passage de Notre-Dame de Boulogne ou Notre-Dame du Grand Retour, unit dans une même action de grâce et une même imploration les paroissiens de St-Pern et les Petites Sœurs. Démarche de foi exceptionnelle, au sortir d'une guerre qui avait causé tant de souffrances !
Parmi les vieillards ayant trouvé refuge à La Tour pendant les années de guerre, plus de 300 y moururent ; ils reposent au cimetière de St-Pern, où un caveau leur fut construit.
Explication du Monument de la reconnaissance:
En action de grâces, un bas-relief de pierre blanche, œuvre de Eugène Aulnette (1913-1991), sculpteur originaire d'une commune de la région, Le-Sel-de-Bretagne, est érigé aux premiers jours du printemps 1947 sur le mur extérieur de la chapelle. Large de 1,60 m, haut de 2,33 m dans sa plus grande dimension, ce monument présente, au centre, le Christ-Roi majestueusement assis sur son trône; il tient un sceptre dans sa main gauche, tandis que son bras droit s'étend dans un geste de bénédiction. Les dates 1939 et 1945 se détachent de chaque côté des pieds du Christ, et aux quatre angles, sont sculptées les figures symboliques des quatre évangélistes, telles qu'elles sont décrites dans le livre de l'Apocalypse (Ap 4,7). Ces figures se détachent sur une carte du monde qui forme le fond du tableau. Les trois mots: Gloire, Reconnaissance, Amour, peints en rouge sombre sont gravés sur une surface de granit, large de 20 cm qui forme la base du monument. Le 17 avril 1947, le Cardinal Roques, Archevêque de Rennes, vint bénir ce monument commémoratif.
1956 -1974
L'année 1956 marquait le Centenaire de l'arrivée à La Tour des premières Petites Sœurs. Célébrée le 18 avril, cette journée d'action de grâce réunit autour du Cardinal Roques, Archevêque de Rennes, six autres évêques, pasteurs pour la plupart des diocèses voisins. De nombreux amis, prêtres et laïcs, emplissaient la chapelle pour la grand-messe, animée par la chorale des Scolastiques Montfortains.
Lors du Chapitre général spécial de 1969, le Cardinal Paul Gouyon, Archevêque de Rennes depuis 1964, consacrait le nouvel autel de la crypte de la chapelle, assisté des membres de son conseil épiscopal.
L'année suivante, le 10 juillet 1970, voyait l'introduction à Rome de la cause de Béatification de Jeanne Jugan.
En 1974, le petit dortoir "Ste Cécile", au premier étage de l'infirmerie, où Sœur Marie de la Croix vécut ses dernières années et mourut, est transformé en oratoire ; le Saint-Sacrement y réside en permanence depuis fin décembre 1999 et la Messe y est célébrée chaque jour, pour les Petites Sœurs aînées et fatiguées.
1975 -1979
Depuis bien des années, Mère Marie-Antoinette de la Trinité, Supérieure générale depuis 1964, désirait ouvrir près du noviciat une maison pour l'accueil de personnes âgées de St-Pern et des environs, tout particulièrement les anciens ouvriers de La Tour. Ce désir commença à prendre corps en 1975, avec l'ouverture du chantier de construction, face à l'aumônerie. Le 18 juin, le Cardinal Gouyon en bénissait la "première pierre" et y revenait le 14 novembre 1976, pour bénir "Ma Maison", alors achevée. Trois personnes âgées y étaient entrées dix jours auparavant.
En cette année 2006, elle accueille 35 résidents, dames et messieurs.
Le 19 décembre 1978, le travail de recherches en vue de la Béatification de Jeanne Jugan, réalisé de 1970 à 1976 par la Section historique de la Congrégation romaine pour la Cause des Saints, était approuvé par une Commission de Cardinaux. Le 13 juillet de l'année suivante verra la proclamation d'un Décret reconnaissant "l'héroïcité des vertus" de notre Fondatrice, dernier pas avant la Béatification.
L'année 1979 était aussi celle du centenaire du rappel à Dieu de Sœur Marie de la Croix. Le 29 août, une Messe d'action de grâce fut concélébrée dans la chapelle de La Tour par le Cardinal Gabriel-Marie Garrone, chargé à Rome de la Cause de Béatification. Le Cardinal Gouyon, Mgr Pierre Plateau, évêque auxiliaire de Rennes, natif de Saint-Servan, les évêques émérites d'Angers et de Valence, ainsi que de nombreux prêtres entouraient le Cardinal Garrone. Environ 1.100 personnes : amis, bienfaiteurs, membres des familles de Petites Sœurs y participaient, dont un grand nombre de Cancalais... A cette occasion, fut inaugurée "l'Exposition Jeanne Jugan". Cette salle bénéficia en 2005 d'importants travaux de rénovation et fut rouverte aux visiteurs la même année, en la fête de la Bienheureuse Jeanne Jugan.
1982 -1990
Le grand événement de l'année 1982 se passe sans contredit à Rome, mais avec tant d'implications à La Tour et dans les maisons de Petites Sœurs à travers le monde !
Le 3 octobre, en la Basilique St-Pierre, le Pape Jean-Paul II proclamait "Bienheureuse" Jeanne Jugan, la Cancalaise, fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres. Plus de 300 de ses compatriotes de Cancale s'y retrouvèrent avec environ 6.000 pèlerins des cinq continents : personnes âgées, amis, bienfaiteurs et Petites Sœurs, unis dans une même joie et action de grâce pour la vie et l'œuvre de Jeanne Jugan.
"En proclamant cette femme "Bienheureuse", l'Église veut mettre en évidence le "charisme du service" offert aux anciens et manifester ainsi honneur et amour à toutes les personnes avancées en âge..." dira le Saint-Père aux pèlerins de ce 3 octobre 1982 (cf. "Découverte", n° 177 à n° 179).
Quelques années plus tard, le 150e anniversaire de la Congrégation fut ouvert à Saint-Servan, en l'église Ste-Croix, paroisse de Jeanne Jugan lorsqu'elle accueillit la première femme âgée, Anne Chauvin. Cette célébration eut lieu le 20 décembre 1989. Elle fut la première de celles qui ont jalonné l'année 1990, d'un bout à l'autre du monde, dans tous les diocèses où la Congrégation est implantée.
Quatre numéros de "Découverte" (du n° 207 au n° 210) évoquent ces célébrations. C'est le 1er mai 1990 qu'elle eut lieu en la cathédrale de Rennes, sous la présidence de Mgr Jacques Jullien, Archevêque du diocèse depuis 1985. Les évêques émérites de Valence et de Versailles y participèrent également, avec environ 70 prêtres. L'homélie fut faite par le Père Eugène Royer, Cancalais, auteur du jeu scénique "Sur les grèves de Misère, Jeanne Jugan en son temps, en tous les temps". Ce spectacle avait été donné pour la première fois en 1980, à Cancale et, au cours des années suivantes, de nouveau à Cancale puis à St-Malo et Rennes. Il fut aussi présenté à Rome, en 1982, sous forme de montage audio-visuel et continue à l'être en DVD, à la demande de groupes, communautés, paroisses.
1991-2006
Le 3 octobre 1991, les restes du Père Arsène Leroy (1854-1920), exhumés la veille du cimetière de Bécherel, sa commune natale, sont déposés dans le cimetière de la communauté. Ancien aumônier de La Tour, le Père Leroy fut aussi le premier historien de la Congrégation.
Le 1er février 1999, s'ouvrait le chantier de restauration de la chapelle du noviciat de La Tour : remplacement du plancher, en partie vermoulu, par un sol en dalles de granit ; pose d'un autel en granit ; remise à neuf des vitraux détériorés ; amélioration de l'éclairage et de la sonorisation, réfection du chauffage et des peintures, démolition des petits autels latéraux inutilisés depuis la réforme liturgique du Concile Vatican II. Cette restauration ayant duré un an et demi, une chapelle provisoire fut installée à la "grande salle", dite "des obédiences".
Le 14 juillet 2000, au terme de cette réfection, Mgr François Saint Macary, successeur de Mgr Jacques Jullien depuis 1998, consacrait le nouvel autel de la chapelle, au cours de l'Eucharistie célébrée avec 35 prêtres. L'architecte rennais, M. Laurent Martin, les divers chefs d'entreprise et leurs employés, participaient à la célébration, avec de nombreux amis. Le 21 avril suivant, un orgue, oeuvre de M. Hervé Caill, facteur d'orgues breton, fut officiellement inauguré.
L'année 2006 fut celle du 150e anniversaire de La Tour St-Joseph, en tant que maison-mère et maison de formation. Aujourd'hui, avec la maison-mère, elle accueille le premier noviciat francophone et le Second noviciat international. Les célébrations du 30 avril et du 3 mai ont été relatées dans le numéro 272 de "Découverte".
Au terme de ce survol historique sur La Tour St-Joseph, avec et dans l'esprit de Jeanne Jugan, chaque Petite Sœur et toutes ensemble ne peuvent que redire :"Oui, le bon Dieu a été bien bon pour moi. C'est lui qui a tout fait. Je suis seulement son humble servante".
Statue dominant le clocher de La Tour
Haute de 4 mètres 10, la statue de St Joseph, surmonte le clocher de la chapelle qui mesure près de 50 mètres. La chapelle et le clocher sont l’œuvre de l’architecte rennais, M. Mellet, qui s’est inspiré de l’église romaine St-Etienne, de l’Abbaye-aux-Hommes, de Caen (Calvados).
Mgr Brossais Saint Marc, archevêque de Rennes, bénit la première pierre de cette chapelle le 20 octobre 1861 et la consacra le 5 septembre 1869.
Le 3 août 1935, commencèrent des travaux de réfection de cette statue, placée sur le clocher en 1868. (cf. N° 9, janvier 1936, du « Bulletin des Petites Sœurs des Pauvres », p. 5 et suivant)
Le 26 février 2007, commencèrent des travaux de réfection du clocher. Proprement dit monter l’échafaudage qui a duré jusqu'au fin avril 2007.
La statue de St Joseph placée en 1868, restaurée en 1935 est redescendue de sa place pour une réparation du clocher, en 3 juillet 2007. Le 19 mars 2008, la statue reprit sa place.
La statue, de 4 mètres 10 de hauteur, est formée de cinq tronçons de plomb, supportées par une armature de bois.
Chacune des 20 Provinces de la congrégation des Petites Sœurs des Pauvres dans le monde ont organisé un voyage à Rome pour la canonisation, soit une délégation internationale de 3000 personnes environ. Certains groupes étrangers en profiteront aussi pour se rendre en pèlerinage à Cancale, Saint Servan et Saint-Pern. Pour la France, 6 lieux de départs sont prévus, dont deux avions spéciaux à partir de Rennes.
De nombreuses célébrations locales étaient célébrées :
Toutes les Petites Sœurs des Pauvres ont vécu aussi cette canonisation dans leurs pays respectifs, avec en général des célébrations en présence des évêques de leurs diocèses.
En Bretagne, des événements sont célébré dans les lieux symboliques de la vie de la future sainte : Cancale, Saint-Servan, Saint-Pern, Rennes, Dinan…
Archives de la Congrégation - "Bulletin trimestriel des Petites Sœurs des Pauvres'; nommé "Découverte" à partir de 1969.
Histoire des Petites Sœurs des Pauvres, Abbé Arsène Leroy, 1902.
Ernest Lelièvre et les fondations des Petites Sœurs des Pauvres, Mgr Baunard, 1923.
Congrégation des Petites Sœurs des Pauvres. Collection "Les Ordres religieux", Letouzey et Ané, 1925.
La Congrégation des Petites Sœurs des Pauvres, Ombline de La Villéon, 1956.
Jeanne Jugan, humble pour aimer, Paul Milcent, 1978/96.
Jeanne Jugan, le Désert et la Rose, Eloi Leclerc, 2000.