Rien n'est petit dans la vie religieuse, il faut tout faire par amour. Jeanne Jugan
Sœur dans la foi
La famille humaine est appelée à s’ouvrir à des horizons de plus en plus larges. Formée d’une simple cellule initiale, un homme, une femme, leur nouveau réseau se tisse avec les enfants, les proches, les amis, les groupes sociaux et finalement, le monde.
Jeanne Jugan a vécu cet élargissement d’horizons. A Cancale, tous les membres de sa famille étaient très proches les uns des autres et la première distance ne s’est pas franchie sans douleur ; il y eut des larmes quand Jeanne partit vers son destin, à Saint-Servan. Dans cette ville, elle allait trouver une autre famille, celle des tertiaires eudistes, dans laquelle Jésus et Marie tiennent la place du Cœur…
Mais la douceur et la force fidèle émanant du foyer de Cancale ne peut pas s’oublier. Elle y fait référence dans les mots qu’elle adresse à Anne Chauvin en l’installant dans son propre lit : "Je vous soignerai comme ma propre mère."
Lorsqu’elle comprend qu’une famille religieuse est en train de se former autour d’elle, elle la nomme avec beaucoup d’affection, en ajoutant "petite", son mot familier : la Congrégation est "Notre petite famille".
Notre fondatrice nous montre la famille de Jésus à Nazareth : "Voyez comme Jésus, Marie et Joseph s’aimaient tous les trois, avec quelle bonté, quelle douceur ils se parlaient. Dans notre petite famille, il faut qu’il en soit ainsi."
"Avec quelle bonté, quelle douceur ils se parlaient…" Tout au long de sa vie, Jeanne a répandu la chaleur, la gentillesse et la compassion. Elle avait ces qualités humaines qui font une bonne Petite Sœur hospitalière dans les détails de la vie quotidienne : tact et délicatesse envers les malades, douceur de voix et de gestes, etc. Elle a voulu que le modèle de la Sainte Famille reste sous nos yeux car, entre Jésus, Marie et Joseph, comment imaginer autre chose qu’un amour humain, plein de tendresse et de respect ?
Jeanne Jugan avait le sens de la famille humaine et de la responsabilité mutuelle qui remonte au commencement du monde : "Qu’as-tu fait de ton frère ?"
Les Constitutions des Petites Sœurs des Pauvres l’expriment clairement : "Dieu a confié chacun à l’amour de tous."
Le nom de "Sœur des Pauvres" a remplacé celui de "Servante des Pauvres" lorsque Jeanne et ses premières compagnes ont prononcé le vœu d’hospitalité. Ce nom est significatif : grâce à la foi en Dieu qui est Père de tous, nous voulons devenir vraiment les "petites sœurs" des personnes âgées.
L’esprit de famille fait partie intégrante de notre mission hospitalière.
L’exemple de la Sainte Famille reste un modèle pour tous les acteurs de la vie quotidienne dans nos maisons.
Si vous voyez sur certains bâtiments ou sur des lettres le sigle "J.M.J.", il signifie "Jésus. Marie. Joseph." et non "Journées Mondiales de la Jeunesse" !
Choisies par Jésus
Le mot "Sœurs" est couramment utilisé pour désigner les religieuses. Le langage populaire y ajoute même parfois le qualificatif de "bonnes". Souhaitons que nous soyons vraiment pleines de bonté !
La vie en communauté fait partie intégrante de la vie religieuse. Nous la vivons très intensément puisque nous vivons toute la journée sous le même toit et collaborons sans cesse dans nos services auprès des personnes âgées. Nous prenons toujours nos repas ensemble, en silence généralement. Le silence est important dans le secteur de la maison où vit la communauté. Il facilite le recueillement, le repos, l’écoute de l’Esprit Saint et l’attention mutuelle. Après le repas du midi et du soir, nous avons un temps communautaire d’échanges et de détente. Plusieurs fois par jour, nous nous retrouvons aussi à la chapelle ou à l’oratoire de la communauté pour les temps de prière.
Nous ne nous sommes pas choisies pour vivre ensemble. C’est Jésus qui nous a réunies par l’obéissance à nos supérieures qui nous ont donné cette place, dans cette ville, dans ce pays.
Nous nous entraidons pour répondre chaque jour plus généreusement à la vocation que Dieu nous a donnée.
Le Pape François disait aux supérieures générales réunies à Rome le 8 mai 2013 :
Jésus, au cours de la Cène, s’adresse aux apôtres à travers ces paroles : "Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis" (Jn 15, 16), qui rappellent à tous que la vocation est toujours une initiative de Dieu. C’est le Christ qui vous a appelées à le suivre dans la vie consacrée et cela signifie accomplir continuellement un ‘exode’ de vous-mêmes pour centrer votre existence sur le Christ et sur son Évangile, sur la volonté de Dieu, en vous dépouillant de vos projets, pour pouvoir dire avec saint Paul : "Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi" (Ga 2, 20). Cet ‘exode’ de soi nous conduit à un chemin d’adoration du Seigneur et de service à Lui dans nos frères et sœurs. Adorer et servir : deux attitudes qui ne peuvent pas être séparées, mais qui doivent toujours aller de pair. Adorer le Seigneur et servir les autres, en ne gardant rien pour soi. Vivez et rappelez toujours le caractère central du Christ, l’identité évangélique de la vie consacrée."
... et un 4ème
Notre consécration religieuse s’exprime par la profession des conseils évangéliques, c'est-à-dire l’engagement à vivre ce que Jésus nous a demandé dans l’évangile. Pour l’aimer par-dessus tout, nous choisissons de vivre comme lui, chastes, pauvres et obéissantes. Ces trois vœux sont communs à tous les religieux.
Le vœu de chasteté
nous engage au célibat. C’est un don que Dieu nous fait. Ce choix est une annonce du monde à venir, du Royaume des cieux : "Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection." Luc 20, 34-36
Le vœu de pauvreté
nous engage à renoncer aux possessions matérielles et aussi à laisser la Congrégation disposer de notre personne et de nos talents. Jésus dit : "Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi." Mt 19, 21 Nous vivons simplement et travaillons mais ne gagnons pas d’argent personnel. Les dons reçus à la quête sont mis en commun et dépensés en priorité pour les résidents. Ce vœu nous fait contempler Jésus, Fils de Dieu, qui s’est fait pauvre et anéanti, par amour.
Le vœu d’obéissance
nous engage à adhérer cordialement et dans la foi aux décisions prises par nos supérieures. Nous recherchons l’unité autour de la Mère supérieure, Petite Sœur responsable de la communauté. Avec l’aide de la Vierge Marie, nous essayons de suivre Jésus dans son obéissance :"le Fils de Dieu, qui n’a pas été ‘oui et non’, il n’a été que ‘oui’. Et toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur ‘oui’ dans sa personne. Aussi est-ce par le Christ que nous disons à Dieu notre ‘amen’, notre ‘oui’, pour sa gloire." 2 Co 1, 19-20
Un 4ème vœu : l’hospitalité.
Comme pour nos Frères de l’Ordre Hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu, l’hospitalité consacrée veut être un témoignage de la miséricorde de Dieu pour les hommes. Il concrétise notre disponibilité du cœur et de la volonté pour le service de Dieu et des personnes âgées. La veille des mourants est un sommet de notre vocation hospitalière. "Amen, dit Jésus, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait." Mt 25,40
Le Pape François expliquait bien le sens des trois vœux aux supérieures générales à Rome, le 8 mai 2013 :
L’obéissance comme écoute de la volonté de Dieu, dans le mouvement intérieur de l’Esprit Saint authentifié par l’Église, en acceptant que l’obéissance passe également à travers les médiations humaines.
La pauvreté comme dépassement de tout égoïsme dans la logique de l’Évangile qui enseigne à avoir confiance dans la Providence de Dieu. Une pauvreté qui enseigne la solidarité, le partage et la charité, et qui s’exprime également dans une sobriété et joie de l’essentiel, pour mettre en garde contre les idoles matérielles qui offusquent le sens authentique de la vie. Une pauvreté qui s’apprend avec les humbles, les pauvres, les malades...
La chasteté comme charisme précieux, qui étend la liberté du don à Dieu et aux autres, à travers la tendresse, la miséricorde, la proximité du Christ. La chasteté du Royaume des Cieux montre que l’affectivité a sa place dans la liberté mûrie et devient un signe du monde à venir pour faire resplendir toujours le primat de Dieu.
Dispersées mais unies
La Congrégation fondée par Jeanne Jugan en 1839 s’est agrandie très rapidement. Les vocations ont été tellement nombreuses que 40 ans plus tard, il y avait déjà 2 400 Petites Sœurs ! Dès 1851, elles sont parties en Angleterre, puis dans d’autres pays d’Europe. En 1868, elles étaient arrivées en Amérique du Nord. Cette expansion mondiale s’est faite grâce à un prêtre attaché à la Congrégation, le Père Ernest Lelièvre, qui a bien connu Jeanne Jugan. Elle-même n’a jamais été plus loin que la Bretagne, l’Anjou, la Touraine, l’île de Jersey, mais elle se réjouissait de voir les Petites Sœurs partir en mission dans des pays lointains. Quand des jeunes d’autres pays arrivaient à La Tour Saint Joseph pour y faire leur formation, elle les admirait de venir de si loin pour suivre Jésus et s’inquiétait de savoir si elles n’avaient pas trop de mal à s’adapter.
Dès le commencement, les communautés sont devenues internationales ; c’est encore le cas aujourd’hui et nous voyons cette caractéristique comme une vraie chance ! Nous aimons partager les richesses culturelles des unes et des autres. La langue commune est le français mais les accents varient beaucoup ! C’est l’occasion de témoigner que la fraternité est possible, belle, source de force et de joie.
Quel que soit le pays où nous allons, nous retrouvons le même esprit de famille ; la même mission nous unit : rendre les personnes âgées heureuses !
Une Petite Sœur n’est jamais fixée définitivement à un endroit. Elle se tient disponible pour aller là où la Congrégation a besoin d’elle. Quand nous sommes envoyées par l’obéissance dans une autre communauté, dans un autre pays, nous en apprenons la langue, les coutumes et cherchons à nous faire proches des résidents dans le respect de leur culture.
La Congrégation est présente dans 31 pays, sur les cinq continents. Les dernières fondations se trouvent aux Philippines, au Bénin, au Pérou et en Inde dans l’État de Madhya Pradesh.
Jeanne Jugan - extrait du film 02 par YETIBOX
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