Sur le diplôme d’union spirituelle remis le 29 août 1842 à la petite communauté naissante, qui deviendra la congrégation des Petites Sœurs des Pauvres, figurent trois signatures : Frère Benoît Verno, Prieur général de l’Ordre Hospitalier de St Jean de Dieu, Frère Jean de Dieu de Magallon, Provincial de France et Frère Félix Massot, son secrétaire.
Contemporain de Jeanne Jugan, Frère JEAN DE DIEU DE MAGALLON est le principal Restaurateur de l’Ordre en France.
Le 4 juin 2009, à l’hôpital de Léhon-Dinan, les Petites Sœurs se sont jointes à l’action de grâces pour la vie du Frère Jean de Dieu de Magallon. Mgr Emile Marcus, évêque émérite de Toulouse, disait dans son homélie :
"Paul de Magallon, à l’aube du siècle des lumières, recommence ce qu’avait fait Jean de Dieu quand on était encore à découvrir le Nouveau Monde. La vie de ces deux hommes illustre le tourment qu’ont toujours eu les chrétiens de mettre en œuvre les gestes et les paroles de Jésus qui apaisent et qui sauvent. Revient toujours chez les chrétiens le goût de protéger la vie, de soigner, de consoler et, tout au fond, d’offrir à l’homme la chance de connaître son Dieu. C’est ce qui fait naître les vocations, y compris à se consacrer totalement à cette tâche, y compris en s’y engageant pour la vie entière.
L’Église ne pourra jamais se tenir quitte d’une sorte de dette d’amour envers l’homme blessé."
Sa jeunesse
Lorsque la Révolution éclate en 1789, le petit Paul de Magallon d’Argens n’a que cinq ans. Il se trouve à Aix avec sa mère, deux frères et deux sœurs.
Les Frères de Saint Jean de Dieu ne sont pas présents dans cette ville mais ils possèdent alors en France 32 hôpitaux et sont au nombre de 350.
La Révolution les disperse tous, la Province de France est anéantie. Les nobles sont en grand danger et Mme de Magallon se réfugie en Prusse avec ses enfants. Les années passent et Paul commence une brillante carrière militaire qui durera seize ans. Commencée dans l’armée prussienne, poursuivie dans les troupes napoléoniennes, il sillonne l’Europe, de campagne en campagne. La bataille de Wagram lui laisse un souvenir d’horreur, avec ces milliers de morts et ces blessés se traînant, appelant à l’aide, sans réponse. Il a la foi et parfois, entend l’appel des malades comme un appel de Dieu, mais c’est encore trop lointain.
Après une dernière bataille au cours de laquelle il est gravement blessé à la cuisse, il quitte définitivement l’uniforme. Il ne se sent pas appelé à la prêtrise ni à la vie monastique. Ce qu’il veut faire tient dans ces quelques phrases de Jésus : "J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger. J’ai eu soif et vous m’avez donné à boire. J’étais un étranger et vous m’avez recueilli. Nu et vous m’avez vêtu. Malade et vous m’avez visité. En prison et vous êtes venu à moi."
Sa vocation
Alors qu’il vient visiter un malade à l’hôpital d’Aix, il est abordé par un drôle d’individu en robe de bure ; il lui dit s’appeler Frère Hilarion et vouloir se mettre au service des malades. Peu après, Paul rejoint ce Frère et d’autres volontaires à l’Hôtel-Dieu de Marseille. Ils décident de consacrer leur vie au service des malades. C’était le 8 avril 1819. Mais pour l’instant, ils ne constituent qu’une association. En 1823, Paul et trois autres frères se rendent à Rome et prononcent leurs vœux de chasteté, pauvreté, obéissance et hospitalité. Il prend le nom de Jean de Dieu. Il a alors 39 ans.
De nombreuses péripéties jalonnent son parcours mais il traverse toutes les difficultés avec humilité et diplomatie, ne fixant au reste de sa vie qu’un seul objectif : rétablir l’Ordre des Frères en France.
Nommé Provincial de France dès 1824, il devient quêteur infatigable et enchaîne les fondations : Lyon, Lille, Dinan, Paris, Marseille…
Dinan
Les Frères y ont acquis la propriété des Bas-Foins en 1835. L’année suivante, le nouvel asile pour malades mentaux est prêt à les accueillir. Frère Jean de Dieu de Magallon se rend alors au "donjon de la Duchesse Anne", grosse tour servant de prison, où est enfermé un homme du nom de Milet. Cet ancien marin, doué d’une force herculéenne, a perdu la raison et terrorise les gardiens et les passants par ses hurlements. Frère Jean de Dieu demande qu’on brise ses chaînes et qu’on le laisse partir avec lui. Le malade se calme. Il retrouvera même une certaine lucidité et secondera le concierge du nouvel asile. La transformation spectaculaire de cet homme, colportée rapidement par la rumeur publique, fait l’émerveillement de tous.
Ce fait nous peignant Frère Jean de Dieu en action auprès des pauvres malades le rend étonnamment proche de Jeanne Jugan. On se souvient de cette ancienne poissonnière qui errait sur les grèves de Saint-Servan, le plus souvent ivre. Jeanne l’avait accueillie, ramenée à Dieu. Elle était si transformée que son neveu avait eu peine à revenir de son étonnement en la voyant. Et tant d’autres ! C’est l’effet thérapeutique de l’amour, de l’attention respectueuse portée à la personne malade.
Les apparences pourraient séparer ces deux personnalités et pourtant, le brillant militaire parlant de multiples langues, ami des grands de ce monde, peintre et poète, est profondément uni à l’humble servante des pauvres de Saint-Servan. Ils se sont sans doute rencontrés et compris ; c’est le même Amour qui les pousse.
Lorsqu’en 1846, Jeanne et ses sœurs ouvriront la première maison de Dinan, dans une vieille tour de la porte de Brest, le Frère Claude-Marie Gandet venait d’être nommé Prieur de la communauté. Elles seront assurées du soutien matériel et spirituel de leurs véritables Frères en Jésus-Christ.