Je me souviens que Mère Anne Marie de la Croix m’a dit lorsque j’ai quitté le noviciat après avoir prononcé mes premiers vœux, que les cinq premières années vont passer lentement mais qu’après les vœux perpétuels le temps passe vite. J’ai du mal à croire que le 11 septembre dernier, j’ai célébré mon jubilé d’Or.
Je me souviens encore du premier jour où je suis allée à la Maison des Petites Sœurs à Brighton, étant membre de la Légion de Marie, je devais visiter les personnes âgées. Avec mes parents nous venions de quitter L’Ecosse pour l’Angleterre et n’ayant jamais rencontré de religieux, je me sentais très nerveuse, mais j’ai vite été mise à l’aise. On m’a présentée à Sr Gertrude qui était d’ailleurs Ecossaise, elle m’a conduite à la personne que je devais visiter. L’heure a passé très vite et j’ai dit que je reviendrais la semaine suivante. Quelques semaines ont passé un jour Sr Gertrude m’attendait pour me demander si je voulais devenir une « Marian Aide » et venir régulièrement aider les Petites Sœurs. Bientôt les quelques heures sont devenues toute la journée du samedi et pendant les vacances scolaires.
Qu'y avait-il de si attirant pour une jeune fille de treize ans dans une maison de retraite ?
Les échanges avec les personnes âgées qui attendaient ma visite avec impatience, me posant des questions sur l'école, la vie d'un adolescent dans les années 60 où la mini-jupe faisait rage.
Les soins donnés et la proximité des Petites Sœurs envers les personnes âgées, l’importance de leur vie de prière en communauté, la confiance que les Petites Sœurs m'accordaient et l’apprentissage à tout faire avec amour et attention. J'ai aussi été très surprise de voir tant de sœurs de nationalités différentes s'entendre si bien ensemble. Je me souviens de deux jeunes sœurs françaises qui apprenaient l'anglais et s'occupaient en même temps des personnes âgées infirmes et la buanderie. Ce sont elles qui m'ont donné l'amour des malades, mais à cette époque, j'étais loin de me douter qu'un jour je serais en France pour donner ma vie comme elles l'ont fait pour les personnes âgées et de suivre le Christ comme mon unique nécessaire.
Un moment restera toujours gravé dans ma mémoire, celui de voir une Petite Sœur s’agenouiller devant une personne âgée et lui laver les pieds. J’ai vu dans ce geste le geste de Jésus lavant les pieds de ses disciples le Jeudi Saint. Incertaine de mon avenir à 17ans, j’ai décidé de faire des études pour devenir puéricultrice. A la fin d’un de mes stages, un vendredi soir, en allant chercher ma sœur chez les Petites Sœurs, la petite sœur qui était à l’accueil m’a demandé si j’étais heureuse de faire ce que je faisais, sans réfléchir j’ai dit "non". "Qu’est-ce que tu veux faire" ? "Je veux être une petite sœur". Tout s’est passé si vite à partir de là. En trois mois, j’étais en route pour Londres Portobello Road pour commencer mon Postulat, je n’ai jamais regardé en arrière depuis.
Après deux ans de formation à La Tour St Joseph, j’ai reçu ma première obédience pour St Servan, un merveilleux cadeau de Notre Seigneur pour commencer ma vie de Petite sœur sur les traces de notre Fondatrice Jeanne Jugan, là où elle a fondé son œuvre.
Au fil des années, je peux comparer ma vie aux mystères du Saint Rosaire : les journées joyeuses avec ma communauté : les sourires des résidents, le bonjour joyeux du personnel et des familles ; parfois les mystères douloureux : les problèmes à résoudre, le départ d'êtres chers, mais aussi la joie de veiller sur une personne âgée et de mettre sa main dans la main de Jésus au moment où elle quitte ce monde. Les mystères lumineux où je peux remercier Dieu pour tout ce que j'ai reçu de l'Eglise depuis mon baptême, pour tout ce que j'ai reçu de ma famille et la Congrégation et de pouvoir rendre les personnes âgées heureuses.
Les mystères Glorieux en sachant la présence de Jésus et de Marie toujours près de moi avec l’importance de la vie de prière en communauté, que ce soit la méditation du matin, l’eucharistie au milieu du jour et l’office que rythme chaque instant de notre vie de Petite sœur.
Maintenant, une autre étape de ma vie commence, ce que Dieu a en réserve pour moi, je ne sais pas mais une chose est sûre il continuera à être proche de moi et comme Jeanne Jugan chaque jour je dirai "Dieu soit béni" pour tout ce qu’il fait pour moi et de m’avoir appelé à une si belle vocation. Tout ce que je demande à Dieu maintenant est de pouvoir faire comme St Vincent de Paul a répondu à la question de la Reine Anne d’ Autriche "Que faut-il fait dans une vie" ? "D’avantage".
Sr Rosemary Catherine