Histoire des Petites Sœurs des Pauvres en Alsace
En 1852, l’hospice de Colmar étant trop petit pour abriter les pauvres de la ville, les habitants expriment leur désir d’avoir un asile pour les vieillards et les infirmes. L’Abbé Gonter se fait leur interprète en proposant trois jeunes personnes qui veulent être Petites Soeurs et demande une fondation aux Supérieurs. L’autorisation de Monseigneur Raess, évêque de Strasbourg, ayant été obtenue, on promet la fondation qui sera la 21ème de la Congrégation. Le 18 juin 1852 arrivent trois petites sœurs de la maison-mère, alors située à Rennes. Elles sont logées chez les Soeurs de la Divine Providence. Elles n’ont pour seule richesse qu’une pièce de cinq francs et quelques sous mais elles ont, pour trésor, la confiance en la Providence ! Dès leur arrivée, elles rencontrent Monsieur le Curé. Les autorités se montrent bienveillantes et tous se mettent à la recherche d’une maison convenable. à la fin d’une neuvaine, le propriétaire d’une maison qui convient parfaitement se décide à la louer avec bail pour un an, moyennant la promesse de la lui acheter au bout de l’année. Cette bâtisse, située au Logelbach sur le territoire de Colmar, est composée d’une maison de maître, d’une remise, d’une cour et d’un jardin. Elle peut accueillir 40 pauvres. Les Soeurs s’y installent le 10 juillet. Inhabités depuis quelque temps, les lieux sont en un assez triste état, sans meuble ni mobilier. La Providence commence aussitôt son action : sont apportés des chaises, des bancs, de la vaisselle, des ustensiles de cuisine, ainsi que de la nourriture, d’autant plus appréciée qu’il n’y a pas de fourneau. Le jeudi suivant, à la grande joie des Petites Soeurs, arrivent les deux premières vieilles femmes et l’asile commence à prendre son aspect d’œuvre hospitalière. Décision est prise de commencer à quêter. Trois semaines après l’ouverture de l’asile, quinze femmes sont déjà accueillies. La nouvelle fondation ainsi posée, les Petites Sœurs ont toute confiance que le Bon Dieu va continuer à la bénir. En 1870, un plus grand terrain est acquis rue des papeteries (dans l’actuel Centre de Formation d’Apprentis), en vue d’une construction pouvant accueillir davantage de vieillards mais la guerre franco-prussienne éclate et les travaux ne commencent qu’en 1872 pour se terminer deux ans plus tard. S’ensuit une période difficile pendant les guerres mondiales, qui ne sont que peine et misère jusqu’à l’évacuation de la maison en 1940. La plupart des vieillards sont emmenés à Agen où les Petites Sœurs les accueillent, tandis que la maison de Colmar essuie obus, bombes, espionnage, pauvreté extrême… jusqu’à la fin des hostilités. Puis la vie reprend son cours.
Le 3 juin 1855, trois années après l’implantation haut-rhinoise, Monsieur l’Architecte Petiti, président de la Conférence de St Vincent de Paul, écrit à la Maison-Mère afin d’exprimer aux Supérieures le désir de voir les Petites Sœurs des Pauvres s’établir à Strasbourg. Monseigneur Raess donne son adhésion et déjà les bienfaiteurs se manifestent spontanément. Deux Petites Sœurs et le Père Ernest Lelièvre, prêtre auxiliaire de la Congrégation, arrivent dans la capitale alsacienne la veille de Noël 1855. Monsieur le Maire ainsi que Monsieur le Préfet accordent leur autorisation. Les Petites Sœurs trouvent très rapidement une maison – 3 rue Saint Jean – qui peut héberger une centaine de pauvres. Les Petites Sœurs destinées à la fondation arrivent de suite. Le 3 avril 1856 Monsieur le Curé bénit la chapelle. Le nombre des pauvres augmentant régulièrement, la maison devient très vite trop petite et il faut songer à en acquérir une plus vaste. Grâce aux démarches des Petites Sœurs et du Père Lelièvre, Monseigneur Raess signe la promesse de vente d’une partie du Petit Séminaire, quai Finkwiller et rue St-Louis, en juin 1860. En novembre 1861 a lieu le déménagement avec l’aide efficace du régiment d’artillerie. Les infirmes et les malades sont transportés dans la voiture des Petites Sœurs traînée par un âne tandis que les plus valides traversent Strasbourg à pied ! La Providence se montre extrêmement généreuse et les dettes sont bien vite absorbées. La maison compte alors cent cinquante vieillards. Le 8 mai 1870 c’est la bénédiction de la première pierre pour la construction de la chapelle mais… les Petites Sœurs relatent : La guerre arrêta tous nos projets. Le 20 juillet, on prépara deux dortoirs et un réfectoire pour les blessés. On nous en amena de suite neuf, puis d’autres, le lendemain… Le 10 août, les Prussiens cernèrent la ville et lancèrent des obus. A partir du 20 les bombardements redoublèrent. Les obus pleuvaient sur la maison. Après trente-six jours nous sortions tous, sains et saufs de ce terrible siège.
A Strasbourg comme à Colmar, et cela pendant plusieurs années, les autorités allemandes suscitent ennuis et difficultés. Il est même question de fermer la maison de Strasbourg. Mais la ville se mobilise contre ce projet. Des pétitions sont signées et tous les journaux prennent notre défense. Les tracasseries finissent par disparaître ! Dès l’aube du XXe siècle, la vie de la maison continue comme par le passé, avec l’extrême gentillesse et générosité des bienfaiteurs. Durant la première guerre mondiale, la quête devient difficile mais la Providence veille si bien que les militaires eux-mêmes partagent leurs biens. En 1939, ordre est donné aux Petites Soeurs d’évacuer la maison de Strasbourg vers St Dié où Petites Sœurs et vieillards restent un mois avant de se diriger vers Périgueux où notre maison les accueille. Après six années de partage et de charité, les Petites Soeurs reviennent dans une Alsace libérée.
Au fil des années, malgré toutes les améliorations réalisées tant à Colmar qu’à Strasbourg, les maisons ne sont plus en conformité avec les normes de sécurité en vigueur, ni avec celles concernant le confort et le bien-être des personnes âgées. Au printemps 1976 une nouvelle construction débute sur un terrain à Koenigshoffen. Et, au grand désespoir de tous, il faudra quitter Colmar et ne garder qu’une seule maison en Alsace. En novembre 1977, 35 personnes âgées de la maison de Colmar sont accueillies sur le site actuel des Petites Sœurs à Koenigshoffen. La grande fête de l’inauguration a lieu le 1er mai 1978. Monseigneur Elchinger célèbre l’Eucharistie en présence de nombreuses personnalités civiles et de tous les bienfaiteurs de nos maisons alsaciennes.